Éco-conception numérique : c’est le moment !

Compte-rendu table ronde

WE DO GREEN IT 2020

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Éco-conception numérique : c’est le moment !

Accéder au replay de la table ronde "Quels leviers pour accélérer la transition vers l'éco-conception numérique en France?"

Le 5 novembre dernier, nous invitions 5 experts à notre événement WeDoGreenIT pour échanger sur le sujet : « Quels leviers pour accélérer la transition vers l’éco-conception numérique en France ? ». Caroline Vateau, notre Secrétaire Générale, animait le débat autour de cette problématique importante en présence de Raphaël Guastavi (Chef adjoint service « Produits et efficacité énergétique » chez l’Ademe), Samuel Mayer (Directeur du Pôle Éco-conception), Etienne Lees-Perasso (Consultant ACV et éco-conception chez Bureau Veritas LCIE) et Germain Masse (VP Engineering chez OVHcloud). Nous vous proposons le compte-rendu de 45 minutes d’échanges dont le mot d’ordre pourrait se résumer de la façon suivante: Mobilisons-nous et allons-y, c’est le moment ! (Temps de lecture: 5 min)

  • Des initiatives florissantes pour mesurer les impacts environnementaux de ses produits et services numériques

L’argument fait l’objet d’un large consensus autour de la table : la possibilité de mesurer les impacts grâce à une méthode pertinente et des bases de données partagées par tous est un point de départ indispensable. Si nous voulons éco-concevoir, nous rappelle Caroline Vateau en ouverture, nous devons considérer 3 piliers physiques associés aux services numériques qui sont les terminaux, les réseaux et les data centers. Il est par ailleurs important que les enjeux environnementaux soient intégrés bien en amont, c’est à dire dès la conception et l’expression de besoin d’un nouveau produit ou service. Par enjeux environnementaux, nos invités ne veulent pas parler uniquement des émissions carbone. « L’approche par le cycle de vie doit être multi-critères et multi-indicateurs. Il ne faut passe focaliser seulement sur le CO2 » insiste Etienne Lees-Perasso.

Pas d’incitations sans mesure : les acteurs institutionnels comme les industriels semblent l’avoir bien compris. Les initiatives et les partenariats fleurissent pour pouvoir aboutir à une méthode. Le développement d’outils de quantification des impacts environnementaux est depuis longtemps au cœur des travaux de l’ADEME. Poussée par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC), l’agence travaille en ce moment sur une méthode permettant aux opérateurs télécoms de traduire les consommations de données Internet en émissions de gaz à effet de serre.

Germain Masse d’OVHcloud abonde sur le sujet. « Chez OVH nous nous sommes engagés avant la fin de l’année qui vient à proposer une API permettant à nos clients de constater en temps réel leur consommation d’énergie et le bilan carbone  de leurs infrastructures IT ». La prestation ne sera pas facturée au client et l’ensemble des logiciels développés en partenariat avec l’Inria seront opensourcés afin que l’ensemble de la filière puisse en profiter.

Le besoin d’une méthode opérationnelle pour mesurer les impacts environnementaux du numérique a donné naissance à NegaOctet en 2018, un projet de recherche dont l’AGIT est partenaire. Le consortium met au point une méthode en vue de réaliser des expérimentations en octobre 2021. L’initiative est aussi un levier de sensibilisation en invitant des entreprises à devenir pilote pour prendre conscience de leurs impacts et progresser.  « Ces démarches permettent de mettre le doigt là où il y a le plus d’impacts. Cela permet aussi d’éviter d’investir beaucoup d’efforts dans l’éco-conception alors qu’on agit sur une partie négligeable dans le schéma global des impacts environnementaux » remarque Etienne Lees-Perasso.  
 
 
  • Une réglementation qui tend à privilégier les acteurs matures en éco-conception numérique

Si jusqu’ici, peu de réglementations s’intéressaient aux impacts environnementaux du numérique, la situation semble évoluer rapidement. L’année 2020 a été particulièrement fertile sur le sujet : depuis la loi AGEC jusqu’à la récente proposition de loi « pour une transition numérique écologique » du Sénat en passant par la Convention Citoyenne pour le climat. Si ces impulsions ne sont pas encore toutes traduites en réglementations, il est évident que le contexte global pousse du côté d’un encadrement plus contraignant.  

Etienne Lees-Perasso en profite pour aborder la question de l’affichage environnemental, dans le viseur réglementaire.  Il observe que s’il existe une volonté sincère de la part de certaines entreprises d’apporter de la transparence au consommateur, d’importants freins subsistent encore. Pour soulever ces freins, un travail de sensibilisation est nécessaire.  L’affichage ne doit pas être perçu comme une contrainte mais un outil d’amélioration continue et de management interne favorable au développement de l’entreprise.

Pour Samuel Mayer, ces tendances doivent aussi être saisies comme des opportunités. Les acteurs qui ont été dans une démarche volontaire prennent de l’avance dans un contexte où l’on évolue vers une standardisation et des réglementations plus contraignantes. « Agir aujourd’hui, c’est construire les réglementations de demain, car c’est vous qui proposez les futurs référentiels ». Etienne Lees-Perasso parle de la réglementation comme d'une « voiture-balai ». Une réglementation entraîne généralement dans son sillage l’ensemble des sous-traitants et des acteurs sur une chaîne de valeur. « Si vous n’êtes pas conformes, vous pouvez très vite être écartés du marché ».

Les avantages de ces orientations politiques sont aussi les soutiens financiers qui en découlent. L’ADEME encourage ainsi les entreprises à mettre le pied à l’étrier sur l’éco-conception de leurs services numériques en finançant notamment le dispositif Greenconcept. Les nouvelles réglementations déjà évoquées utilisent également le levier financier pour inciter les entreprises à passer à l’action. En d’autres termes « Allez-y ! On a de l’argent public à dépenser ! » encourage Raphaël Guastavi de l’ADEME avec humour.
 
  • Les gains ne sont pas seulement environnementaux, ils sont économiques

Si les bénéfices environnementaux d’une telle démarche sont évidents, tous nos intervenants semblent acquiescer sur le fait que les bénéfices économiques sont trop souvent sous-estimés. « Le principal bénéficiaire c’est le chef d’entreprise, or cette personne apparaît comme la moins sensibilisée. Il y a vraiment un besoin d’acculturation et de retours d’expériences sur le sujet » commente Caroline Vateau.

Germain Masse déclare que très tôt, OVHcloud a vu un intérêt économique à optimiser ses process.  En 2003, l’entreprise met en place un système de refroidissement qui lui permet de supprimer les climatisations de ses centres de données. Le but initial n’était pourtant pas l’éco-conception mais de résoudre une problématique technique et de consommation d’énergie donc.. de réduction des coûts. Parallèlement, l’entreprise utilise en interne des serveurs de seconde génération et allonge au maximum la durée de vie de ses infrastructures. Une démarche dont les gains économiques sont visibles et directement quantifiables.

« L’éco-conception numérique, c’est avoir une production plus résiliente, se prémunir de la vulnérabilité face aux disponibilités des ressources et aux enjeux climatiques de demain » insiste Etienne Lees-Perasso. Pour Samuel Mayer, l’éco-conception peut générer de la valeur là où elle n’avait pas été identifiée mais c’est aussi un stimulant pour l’innovation. « La pensée cycle de vie est un travail enrichissant et intéressant car on travaille avec des parties prenantes nouvelles et des fournisseurs auxquels on n’avait pas pensé ».
 
Conclusion : comment lever ces freins qui obstruent encore le déploiement massif de l’éco-conception numérique ? 

Car il existe encore des freins importants. Un sondage s’adressait aux 95 participants de la table ronde :« Selon vous, à quel niveau se situent les freins au déploiement massif de l’éco-conception numérique ? ». Le manque de sensibilisation des dirigeants arrive en tête. Pour faire à ce problème, l’éducation et la formation sont la clef. Il faut intégrer les problématiques de développement durable dans les programmes des écoles d'ingénieurs IT mais aussi ceux de tous les étudiants.  

Il ne peut y avoir par ailleurs d’écoconception sans une volonté et des motivations affirmées au sein de l’entreprise. Le sujet doit être porté au niveau stratégique.  Il faut faire vivre l’éco-conception dans les entreprises avec une ambition écrite et partagée par les collaborateurs. 

Force est d’admettre que la transition n’ira pas forcement de soi. Le déploiement massif de l’éco-conception numérique devra certainement passer par une transformation des entreprises. L’éco-conception est une démarche systémique et transverse. Pour mener à bien cette démarche, l’entreprise doit sortir de la logique de silos qui a trop longtemps prévalu dans l’organisation et la gouvernance de cette dernière. Nos intervenants remarquent que les entreprises les plus innovantes sont souvent celles les plus décloisonnées.

L’accélération de son déploiement passera aussi par la recherche de bénéfices pour le consommateur. Il faut que les offres éco-conçue soit acceptées par le client, qu’elles plus soient légères que les anciennes, avec une expérience utilisateur améliorée. En d'autres termes, il faut veiller à ne pas ajouter de la contrainte avec l’environnement. Si l’on suit ce principe, le marché pourrait accélérer la transition de manière bien plus rapide que la réglementation.

REPLAY TABLE RONDE ÉCO-CONCEPTION NUMÉRIQUE

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