ENTRETIEN AVEC LE COLLECTIF GOOD IT!

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Décembre 2020

Ce mois-ci, nous avons ouvert la discussion avec Jade Vincent (Co-fondatrice Rose primaire), Marie Bastide (Fondatrice Pollen) et Christophe Pham (Fondateur et président Infogreen Factory): tous les trois à l'origine du projet Good IT! Le collectif qui a vu le jour récemment s’est donné pour mission de sensibiliser les organisations en Occitanie et d’insuffler une dynamique régionale autour du numérique responsable. Entre actualités politiques et projets, nos membres sont également revenus sur leur parcours personnel et leurs convictions. Découvrez notre entretien avec trois grands passionnés du Green IT !

AGIT: Qu’est-ce qui a déclenché votre prise de conscience sur la nécessité d’un numérique plus responsable ?

Jade Vincent (JV) : Ma mère étant non-voyante, j’ai été confrontée très tôt à la problématique d’accessibilité en général d’abord puis numérique ensuite. Si l’outil numérique promettait une meilleure autonomie aux personnes qui en ont le plus besoin, il devenait peu à peu un frein en raison de son inaccessibilité (double peine !). Il y a plus de 10 ans, lorsque j’ai repris mes études pour faire un mastère en création et production multimédia, j’ai rencontré Jean-Pierre Villain (Access 42, “Très Grand” Expert en Accessibilité) qui a évoqué le sujet lors d’un cours de CSS et qui, à l’issue de mon année d’étude, m’a permise d’intégrer Accessiweb (Association Braillenet). J’ai eu ensuite la chance de rencontrer des personnes très engagées pour faire avancer le sujet (avec bien souvent un bâton de pèlerin) auprès des concepteurs de services numériques, des entreprises mais aussi des pouvoirs publics. 

Marie Bastide (MB): J’ai travaillé dans une agence digitale pendant 9 ans, en tant que responsable webmarketing, toutes les techniques étaient employées pour vendre, vendre, vendre…sans se soucier du bombardement publicitaire (display, mailing, adwords, retargeting..). Il fallait rendre l’internaute accro, analyser les statistiques, corriger, tester à nouveau... L’inbound marketing était notre maître à penser.  Du côté personnel, mon compagnon réalise des études d’impact environnemental depuis 12 ans et il m’a énormément sensibilisé. Nous essayons de nous appliquer les bons gestes écologiques au quotidien. Mais voilà, je n’assumais plus cette opposition.  J’ai donc cherché une solution. J’aimais toujours le numérique mais en tant que témoin privilégiée de l’augmentation des usages, je me suis questionnée sur son impact. Après une veille active, j’ai tenté d’amener le numérique responsable au sein de mon agence, sans succès.. pour de multiples raisons. J’ai quitté l’agence et me suis formée avec Frédéric Bordage. Puis j’ai créé ma structure : Pollen, l’idée étant d’intégrer les bonnes pratiques d’écoconception web à mes projets dans l’objectif d’accompagner mes clients dans leur transition digitale et environnementale. A côté, je forme régulièrement des étudiants au digital et je tente de sensibiliser les écoles, des projets se dessinent pour l’année prochaine. Transmettre est pour moi la clé du réveil des consciences.

Christophe Pham (CP) : Je suis convaincu par les rapports du GIEC sur les changements climatiques. Je souhaite faire ma part comme le colibri. Je suis depuis plus de 20 ans dans le domaine de l’IT et des télécoms et en parallèle je soutiens l’action d’Extinction Rébellion et de Greenpeace. Mes maîtres à penser sont Satish Kumar, Pierre Rabbhi, le Dalai Lama, et mes références sont Jean Marc Jancovici, Nicolas Hulot, et Julien Vidal. M’engager pour un numérique responsable est devenu une sorte d’évidence, nous sommes déjà nombreux ! « The more the merrier » et nous allons changer les choses en profondeur en partenariat avec les grands acteurs du secteur qui viendront à la table des négociations.
 
AGIT : Vous avez récemment créé le collectif Good IT, pouvez-vous nous expliquer les objectifs de cette initiative ?

JV: L’accessibilité et l’écoconception sont très proches en termes de démarche projet. La phase d’expression du besoin est déterminante et la responsabilité doit être partagée par l’ensemble des acteurs du projet (et ne doit pas uniquement reposer sur les développeurs sous prétexte que les critères ou bonnes pratiques sont majoritairement plutôt techniques). C’est un écueil en accessibilité et l’idée du collectif est justement de réunir les actrices et acteurs de l’ensemble de la “chaîne de production” (chefferie de projet, UX/UIdesign, développement, rédaction, création de contenu...) pour prendre conscience de la part que chacun/chacune à faire et mieux collaborer ensemble. Pour le moment, l’objectif est atteint car nous avons toutes les professions représentées y compris des personnes issues du monde de la comm’ et celles issues de l’IT (qui n’ont pas toujours l’occasion de travailler ensemble et dont les cultures sont assez différentes).

MB : En tant que membre de plusieurs associations pionnières en France, j’ai toujours apprécié l’échange, la bienveillance et le travail d’intelligence collective présents dans ces lieux. J’ai pris le temps de comprendre, d’étudier, d’analyser les données et après ? J’avais besoin d’agir, de proximité, d’échanger avec des acteurs locaux, de mesurer la maturité sur ma région. L’idée de Good IT! est venue de là pour ma part. J’ai rencontré Jade et Christophe, passionnés par le sujet, et nous avons décidé de créer ce lieu presque familial. Et comme le cite jade, pourquoi ne pas regrouper plusieurs corps de métiers, peu importe leurs niveaux de connaissance sur le sujet, évoluer ensemble, creuser et trouver des solutions complémentaires à celles existantes ? Mais toujours se référer aux données et actualités nationales sans réinventer. Le collectif est aussi un relais des actions du territoire sur Toulouse et ses environs.

CP : Il existe des associations nationales comme l’AGIT qui font un travail formidable depuis de nombreuses années. Pour autant, il n’existait pas de collectif complétement dédié au sujet du numérique responsable en Occitanie ; il nous ait apparu nécessaire d’être un relai pour toutes les associations nationales qui œuvrent dans le numérique responsable, d’être un espace ressources pour TOUS ceux qui s’intéressent au sujet, de promouvoir ce sujet auprès des établissements de l’enseignement supérieur. En Occitanie, Digital 113 fait un travail remarquable depuis 6 ans avec notamment l’organisation du Green IT Day et c’est notre objectif de servir le sujet ensemble en totale complémentarité.  Déjà de nombreuses réunions ont lieu qui aboutiront à la mise en place d’actions concrètes.
 
AGIT : Pensez-vous que l’engouement actuel autour du sujet et les réglementations qui l’accompagnent sont des tendances pérennes ?

JV : J’ai la sensation que le sujet a tout de même atteint un certain niveau de maturité au sein des professionnels du numérique (mais bon j’ai peut-être des biais car je baigne dedans) ce qui est une bonne chose mais il me semble qu’il y a encore beaucoup à faire pour diffuser les “bons messages”, les “bons ordres de grandeurs”. 

MB : On a encore du mal au démarrage alors que le numérique responsable n’est pas un sujet récent. Cette démarche de sobriété est surtout prônée par des acteurs convaincus qui veulent appliquer. La réglementation va certainement accélérer les choix des entreprises et ce sera selon moi sur la durée. Nous allons rentrer (mais quand ?) dans le même processus que le RGAA, RGPD,… à condition aussi de le contrôler. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur les impacts du numérique.

CP : Je ne sais pas car les politiques ont leur agenda qui est soumis à beaucoup trop de lobbys pour que nous puissions en être certain. Pour autant, je reste optimiste et enthousiaste au vu de la mise en place de la loi sur la durabilité des janvier 2021, des propositions du Sénat en matière de numérique responsable, du récent colloque du 8 octobre sur la sobriété numérique, des Directives Européennes qui se préparent. La 5G pour autant est un écocide. J’aurais aimé qu’une étude d’impact environnemental (matériel +usage) versus bénéfices pour le Bien Commun soit présenté avant de lancer cette technologie dans notre pays.  Le « toujours plus » et l’angélisme technophile ont des limites et c’est un amish qui vous parle..


AGIT: Quels premiers conseils donneriez-vous à une entreprise qui souhaite se lancer dans une démarche de numérique responsable ?

JV : Former tous les collaboratrices et collaborateurs..

MB : Former et réaliser une stratégie en amont bien construite, c’est à ce niveau que l’on réduira la plupart des impacts. Quitte à repenser son modèle économique.

CP : S’intéresser à l’achat, la durée de vie et à la fin de vie de leur matériel et également de former leurs collaborateurs.

Pourquoi avez-vous choisi de rejoindre l’Alliance Green IT ?

JV : Pour la veille sur des sujets avec lesquels je suis moins à l’aise (et que j’ai dû mal à chercher seule) : cloud, data...et le retour d’expériences d’entreprises.

CP : L’AGIT réunit des professionnels expérimentés qui ont à cœur de mettre sur le devant de la scène les sujets clés du numérique responsable. L’association existe depuis de nombreuses années et à travers des publications comme le baromètre Green IT ou des livres blancs elle permet d’élever le niveau des professionnels du secteur.

MB : Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin !

Pour suivre les actualités du collectif Good IT: https://www.linkedin.com/company/collectif-good-it/
Retrouvez tous nos entretiens avec nos membres ici 
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