Intégrer l’IA dans un service éco-conçu : oxymore ou réalité ?

Article realisé pour les annales des mines, avec la participation de plusieurs membres de l'agit 


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CLOUZEAU C., COURBOULAY V., DELEMME M., MARINI J.-L., NURIT E., RIBAULT R.& VERDIER C. (2025), « Intégrer l’IA dans un service éco-conçu : oxymore ou réalité ? », Annales des Mines – Enjeux numériques, n°29 à paraître en mars 2025.

Article original : lien à venir, parution prévue en mars 2025 dans les Annales des Mines 



L’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans un service éco-conçu soulève des paradoxes majeurs. D’un côté, l’écoconception cherche à réduire l’impact environnemental des services numériques en prônant sobriété et optimisation. De l’autre, les IA, et notamment les IA génératives, nécessitent d’énormes quantités d’énergie, d’eau et de ressources informatiques qui utilisent des métaux critiques et des terres rares. Face à une consommation électrique liée à l’IA qui pourrait bientôt rivaliser avec celle de certains pays, l’idée même d’associer IA et écoconception semble contradictoire. Pourtant, des pistes émergent pour concevoir des IA plus responsables. Mais l’enjeu principal reste de déterminer si et dans quelles conditions leur utilisation peut réellement s’intégrer à une démarche durable.
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En 2023, les universités de Californie, du Colorado et du Texas ont calculé que poser 25 questions à Chat GPT revenait à verser un demi-litre d’eau douce par terre (Li, Yang, Islam et Ren, 2023). Cette équivalence très parlante nous fait comprendre à quel point les intelligences artificielles (IA) génératives font flamber la facture environnementale du secteur du numérique. D’après un article publié dans la revue Joule (10 octobre 2023), Alex de Vries, étudiant en thèse à l’université libre d’Amsterdam, s’est basé sur les prévisions de production de nouveaux serveurs pour estimer que d’ici 2027 la consommation mondiale d’électricité liée à l’IA passerait de 85 à 134 Wh par an, soit l’équivalent de la consommation annuelle d’électricité de la Suède. Cela signifie que lorsque l’IA sera développée à grande échelle, elle représenterait 0,5 % de la consommation d’électricité mondiale, toujours selon les calculs d’Alex de Vries. 

Dans ce contexte où nous sommes encore au stade des estimations et où il est encore très difficile de mesurer finement l’impact global des IA sur l’environnement, l’association des deux termes « IA » et « écoconception » ressemble à un bel oxymore. Comment un service numérique pourrait-il rester éco-conçu en intégrant un modèle d’IA réputé énergivore ? Cette question soulève effectivement des paradoxes.

Il est donc indispensable tout d’abord de revenir sur ce que recouvre exactement l’éco-conception, pour se demander ensuite si l’IA pourrait avoir sa place dans cette démarche. Attention également à ne pas résumer « les » IA aux IA génératives qui sont basées sur d’énormes modèles, entraînés avec de gigantesques quantités de données. Les IA sont elles-mêmes des solutions numériques dont la conception peut suivre de bonnes pratiques pour les rendre moins voraces en ressources naturelles. Encore faut-il se poser la question de la nécessité absolue d’utiliser l’IA pour donner vie à un service numérique, surtout si celui-ci revendique une volonté de diminuer son impact sur le vivant. 
État de l’art scientifique sur l’écoconception 
L’écoconception vise à intégrer des critères de durabilité environnementale dès les premières étapes de conception de produits et services. Née dans les années 1960 avec la montée de la conscience environnementale, l’écoconception a évolué pour devenir un domaine interdisciplinaire, touchant aujourd’hui des secteurs variés, de l’industrie manufacturière au numérique. En réponse aux enjeux climatiques et à l’épuisement des ressources naturelles, l’écoconception cherche à réduire l’impact écologique à toutes les étapes du cycle de vie des produits, de leur production à leur fin de vie, et à promouvoir une économie circulaire.

Dans le domaine des services digitaux, l’écoconception design occupe une place croissante, car les infrastructures numériques – bien que souvent perçues comme immatérielles – sont énergivores et consomment des ressources naturelles importantes. Les centres de données, les réseaux de télécommunication et les dispositifs électroniques contribuent de manière significative aux émissions de gaz à effet de serre. Ainsi, l’écoconception de services numériques propose des stratégies pour réduire l’empreinte environnementale des services numériques, en optimisant l’utilisation des ressources, en améliorant l’efficacité énergétique et en concevant des solutions plus durables.

Dans l’Afnor Spec 2201 concernant l’écoconception des services numériques, on trouve la définition suivante : « Approche méthodique qui prend en considération les aspects environnementaux du processus de conception et développement dans le but de réduire les impacts environnementaux négatifs tout au long du cycle de vie d’un produit. Appliquée aux services numériques, l’écoconception a pour objectif de réduire ou limiter les impacts environnementaux de ces services, de l’expression des besoins jusqu’à leur fin de vie ».

Cette définition s’accompagne de nombreux défis dont, par exemple, la prise en compte des usages réels et des comportements des utilisateurs. En effet, comprendre l’utilisation réelle des services et modéliser les comportements d’utilisation permet d’adapter les solutions pour qu’elles soient non seulement performantes mais aussi écologiquement optimisées.

Ainsi, l’écoconception des services digitaux s’impose comme une réponse essentielle aux enjeux contemporains de la durabilité numérique, ouvrant la voie vers des pratiques de conception responsables, transparentes et respectueuses des limites planétaires.

Si l’écoconception des services digitaux s’attache à réduire l’impact environnemental des infrastructures numériques et à repenser les usages, elle doit également intégrer les avancées technologiques, comme l’intelligence artificielle, dont l’empreinte environne-60Enjeux environnementaux mentale suscite de nombreuses interrogations. Dès lors, une question cruciale se pose : l’IA, souvent perçue comme énergivore, émettrice de gaz à effet de serre, consommatrice d’eau ou gourmande en matières premières peut-elle contribuer à la conception de services numériques plus durables tout en s’inscrivant dans une démarche d’écoconception ? 
L’IA peut-elle avoir sa place dans un service éco-conçu 
Par définition, éco-concevoir un service numérique est une démarche d’amélioration continue dont l’objectif, dès la phase amont de sa réalisation, est de réduire son empreinte environnementale. L’apport d’une IA, ou de sa composante générative, pour agrémenter ce service semble donc être une approche totalement paradoxale lorsque l’on connaît les impacts sociaux et environnementaux majeurs de cette technologie. 

La démarche d’écoconception d’un service numérique repose sur une réflexion approfondie qui s’articule autour de plusieurs dimensions complémentaires :

• L’utilité : s’interroger sur la pertinence du service et des fonctionnalités proposées. Chaque élément doit répondre à un véritable besoin autour de cette utilité et au regard des impacts environnementaux associés.

• L’unité fonctionnelle : définir clairement la fonction principale du service pour éviter toute dispersion inutile et, surtout, tout ajout de fonctionnalités inutiles.

• La sobriété des contenus : limiter les contenus au strict nécessaire pour réduire l’impact environnemental et pour répondre efficacement aux besoins identifiés.

• Les fonctionnalités et interactions globales : rationaliser les interactions entre l’utilisateur et le service pour privilégier simplicité et efficacité.

• Le réseau et les serveurs dimensionnés au strict nécessaire : déployer l’architecture technique et la puissance nécessaire au sein des serveurs de calculs et de stockage, sans superflu mais adaptable à la consommation du service.

Intégrer une IA qui ne serait pas elle-même réfléchie en termes de frugalité dans une démarche de conception responsable d’un produit ou d’un service, revient à affaiblir, voire annihiler, la démarche de frugalité de cet objet ou ce service.
Tout n’est pas binaire
Pour prendre un exemple concret : intégrer un « chatbot greffé à une IA entraînée pour répondre correctement à un cadre de prompts définis » à un service numérique qui veut réduire ses impacts paraît donc a priori une hérésie. Mais, si ce même service permet de réduire des impacts négatifs via l’apport d’un algorithme puissant qui aide les utilisateurs, alors les effets positifs induits peuvent potentiellement compenser l’impact de ce service et de l’implémentation de l’IA.

Cela reste cependant une hypothèse : cette « compensation » n’est pas garantie, surtout lorsque l’on parle d’un service numérique de confort ou d’un service secondaire qui n’est pas le cœur de l’activité d’une organisation par exemple.

Néanmoins, la démarche d’écoconception s’appuie sur un pilier fondamental qui consiste à challenger les besoins, de telle sorte qu’in fine une fonctionnalité soit bien utile, utilisée et utilisable (les 3U). Cette notion de frugalité est clé pour se questionner en profondeur et ne retenir que les besoins essentiels. Les solutions mises en œuvre se doivent ensuite d’être sobres, et le recours à l’IA envisagé uniquement en ultime option.
La désillusion après l’illusion
Afin d’intégrer une technologie d’IA ou sa composante générative à un service numérique, il faudrait pouvoir en évaluer l’utilité au regard des impacts directs, des impacts indirects et des effets rebonds, à la fois pour la phase d’entraînement et la phase d’utilisation ! Vaste défi, eu égard à l’estimation des gains induits par l’utilisation de l’IA…

En revanche, supposons que l’activité d’une entreprise soit tout aussi polluante que désastreuse sur le plan social. L’impact de ses services numériques est très probablement minime (quelques pourcents) par rapport à celui de son activité vitale. Si l’intégration de l’IA permet de réduire l’impact global de l’organisation, l’approche est sans nulle doute positive au regard des mesures d’impacts qui viendront le confirmer.

Alors que l’IA est souvent présentée comme une solution aux défis environnementaux, les preuves concrètes de son impact global et durable restent à ce jour à démontrer. En revanche, les besoins colossaux en ressources, en consommation d’eau et en électricité mettent en évidence chaque jour les impacts négatifs de ces technologies et ne font qu’éloigner drastiquement les promesses techno-solutionnistes. L’Agence Internationale de l’Énergie prévoit jusqu’au doublement de la consommation électrique mondiale liée aux data centers en 2026 par rapport aux besoins de 2022 !

Lorsque l’on sait que Microsoft réactive une centrale nucléaire fermée en Pennsylvanie¹ et s’engage à la maintenir pendant 20 ans pour alimenter ses data centers spécialisés en IA, il y a de quoi se questionner : est-ce vraiment utile et raisonnable d’ajouter une IA au sein d’un service numérique dit « éco-conçu » ? D’autant plus qu’avec la maturité des usages et des études publiques, le coût environnemental est maintenant plutôt sur la phase de l’utilisation que de l’entraînement (de l’ordre de 200 à 1 000 fois plus). L’IA générative est donc aujourd’hui tiraillée entre les bénéfices qu’elle pourrait apporter et son coût environnemental (sans omettre le coût social).

Quoi qu’il en soit, prendre en compte l’utilité d’une IA au sein d’un service est un raisonnement qui doit se faire dès le début de la démarche d’écoconception, au moment de la réflexion sur la valeur apportée à l’organisation et aux utilisateurs face aux impacts directs, indirects et aux effets rebonds possibles.
Du côté des impacts humains
Enfin, comment revendiquer une quelconque écoconception sans prendre en compte les enjeux sociétaux liés aux usages généralisés de l’IA ? On parle d’ailleurs de plus en plus d’éco-socio-conception. 

Dans un article publié dans la revue Nature Human Behavior², des scientifiques confirment « qu’en déléguant une partie de notre raisonnement à l’intelligence artificielle, c’est toute la pensée humaine qui pourrait s’en trouver modifiée. Si nous acceptons passivement les solutions proposées par l’IA, nous risquons de perdre notre capacité à penser de manière autonome et à développer des idées innovantes ». Voulons-nous des médecins sans plus aucun savoir-faire de diagnostic car soumis aux recommandations d’une IA et qui serait incapable de corriger un biais généré par l’IA ?

Le cerveau humain a lui aussi besoin de s’entraîner. Même en admettant que l’IA puisse avoir une utilité pour l’environnement et soit intégrée dans une démarche d’écoconception, le risque pour l’humanité n’est-il pas de ne plus savoir résoudre ses problèmes elle-même en les sous-traitant ainsi à la machine ? 

L’IA pose en effet des questions philosophiques, éthiques et déontologiques extrêmement préoccupantes. Même les pionniers mettent en garde sur les catastrophes que pourraient provoquer les IA si elles ne sont pas maîtrisées. John Hopfield, scientifique américain lauréat du Nobel de physique en 2024 pour ses travaux sur l’IA, a déclaré que les dernières avancées technologiques de cette discipline étaient « très inquiétantes ». ³

Pour tenter de maîtriser ses impacts environnementaux, des chercheurs et des professionnels de ce domaine commencent à se mettre d’accord sur de bonnes pratiques pour viser une plus grande frugalité des modèles d’IA. Intégrer dans des services numériques éco-conçus des IA incluant comme critère d’efficience la limitation de leur empreinte environnementale pourrait donc s’avérer une piste à défricher. 
Peut-on éco-concevoir l'IA?
Nous ne cesserons jamais de le rappeler, la conception d’une solution d’IA, comme tout produit numérique, va forcément consommer des ressources naturelles et de l’énergie. Toutefois, il est possible de concevoir et mettre en œuvre des solutions d’IA plus respectueuses de l’environnement et qui restent tout à fait fiables (et donc utiles !). Pour cela, il faudra agir sur différents éléments du cycle de vie d’une solution d’IA, depuis sa phase d’initiation jusqu’à son décommissionnement. 

De manière générale, toutes les pratiques d’écoconception des services numériques peuvent être appliquées lors du développement d’une solution d’IA qui est avant tout une solution numérique.

Dès la phase d’initiation du projet de conception d’une solution d’IA, il convient de s’interroger sur les différentes méthodes existantes afin de répondre à un besoin nécessitant la conception d’une solution d’IA. Nul besoin de prendre un marteau pour écraser une mouche. Il existe plusieurs types d’IA : connexionniste, symbolique, hybride, plus ou moins consommatrices de ressources. Parfois, pour répondre à un besoin, de simples règles de décisions suffisent. D’où la nécessité de réaliser une étude approfondie du besoin et des solutions susceptibles d’être mises en œuvre afin de sélectionner le type d’IA et la méthode qui permettront de limiter l’impact environnemental de la phase d’expérimentation. Les méthodes d’IA ne sont pas les seules réponses à toutes les problématiques.

La conception et le développement d’une solution d’IA est généralement la plus consommatrice en termes d’énergie, d’eau, mais aussi de ressources informatiques qui utilisent des métaux critiques et des terres rares. Durant cette phase, il existe une multitude de leviers afin de limiter l’empreinte environnementale de la solution.
Les données : privilégier la qualité plutôt que la quantité
Les données sont un élément essentiel pour développer une solution d’IA, mais elles sont aussi largement en cause dans son impact environnemental. D’où l’importance de s’assurer que les données utilisées soient vraiment pertinentes pour sa solution. En effet, une mauvaise qualité des données augmente le temps d’apprentissage et les biais d’apprentissage, donc fait grimper la consommation d’énergie et diminue la fiabilité du modèle. Avec des données qualitatives, il est aussi possible de réduire la quantité de données nécessaires afin d’obtenir un modèle d’IA performant. Par ailleurs, la taille du modèle est en partie liée au nombre de données sur lesquelles celui-ci est entraîné. Plus on privilégie des modèles de petite taille, avec des données qualitatives mais en quantité limitée, plus l’empreinte environnementale de la solution sera réduite.
Compresser les modèles stockés sur les serveurs
Pendant la phase d’entraînement du modèle, il y a encore de bonnes pratiques à appliquer pour limiter au maximum sa consommation d’énergie et d’eau, tout en garantissant sa qualité et sa fiabilité. Les méthodes de compression de modèles ont un intérêt pour réduire l’empreinte des algorithmes d’IA. Certes, cette étape allonge la phase d’entraînement, et alourdit son empreinte environnementale, mais ces méthodes de compression divisent la taille des modèles quasiment par trois, ce qui a un énorme impact au niveau du stockage sur les serveurs. Ces derniers consommant de l’énergie et de l’eau, un modèle plus petit demandera moins de ressources lors de son utilisation et évitera de sur-solliciter les serveurs.

Attention à l’impact du ré-entraînement des algorithmes
Après la conception et le développement d’une solution d’IA, ré-entraîner un algorithme d’IA est une phase elle aussi consommatrice de ressources naturelles. Évidemment, le mieux est d’éviter de ré-entraîner le modèle trop souvent. Pour cela, on peut définir des critères afin de justifier le besoin du ré-entraînement. Afin de déterminer ces critères, il existe désormais un Référentiel Général de l’Écoconception des Services Numériques⁴ élaboré par l’Arcep, l’Arcom et l’Ademe en mai 2024.
Un nouveau consensus sur la définition de l’IA dite frugale ?
Il est indéniable que l’IA offre de nombreuses opportunités de transformation digitale, d’innovation et de croissance pour les entreprises. De nombreuses entreprises la considèrent comme un nouvel eldorado, bien que les cas d’usage actuels montrent que la rentabilité réelle de ces solutions reste à prouver pour bon nombre d’entre elles.⁵

Si des abus sont à déplorer sur l’utilisation tous azimuts de l’IA et notamment des IA génératives particulièrement énergivores, de nombreux acteurs du domaine de l’IA font la promotion de solutions d’IA dites frugales. Or, jusqu’en juin 2024, il n’existait pas de consensus sur ce qu’était une IA « frugale » ou en tout cas plus respectueuse de l’environnement. Le groupe Afnor et le ministère de la Transition écologique française ont donc lancé un groupe de travail en janvier 2024 pour définir un référentiel général de l’IA frugale. Ce référentiel a pour objectif de favoriser une adoption de l’IA frugale à plus grande échelle, ainsi que de promouvoir une utilisation plus responsable et durable de cette technologie. Les deux acteurs à l’initiative de ce référentiel l’ont inscrit au programme du Comité Européen de Normalisation en Électronique et Électrotechnique (CENELEC) en juillet 2024. Cette proposition a l’ambition d’élever le référentiel au statut de norme européenne, dans le but d’inciter l’ensemble des acteurs européens de l’IA à adopter une approche plus responsable.

Néanmoins, il est important d’être vigilant sur l’approche visant à rendre une solution d’IA plus respectueuse de l’environnement, car – selon le paradoxe de Jevons (économiste britannique du XIXe siècle) – une plus grande sobriété dans l’IA pourrait entraîner une très nette augmentation de l’usage de l’IA et donc de sa consommation énergétique (c’est l’effet rebond évoqué plus haut dans cet article).
Conclusion : l’IA la moins énergivore est celle que l’on ne développe pas
L’intégration de l’IA dans un service éco-conçu illustre le paradoxe actuel du numérique : identifiée comme un levier économique majeur, cette technologie s’oppose frontalement aux principes de frugalité et de sobriété numérique.

Cette opposition se matérialise au regard des objectifs climatiques : alors que la Stratégie Nationale Bas Carbone fixe comme objectif une réduction annuelle de 5 % de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, la consommation énergétique des data centers dédiés à l’IA augmente de 15 à 20 % chaque année.

Cette réalité impose des conditions strictes : les bénéfices environnementaux apportés par l’IA doivent être supérieurs à sa propre empreinte écologique. Son utilisation doit rester un dernier recours, avec une maîtrise de son empreinte environnementale, de ses effets rebonds tout en considérant ses impacts tant sociaux que cognitifs.

L’intégration de l’IA nécessite donc une approche systémique rigoureuse, transformant les contraintes environnementales en opportunités d’innovation. La vraie question n’est plus de savoir si l’IA peut être intégrée à un service éco-conçu, mais dans quels cas exceptionnels son utilisation se justifie face aux enjeux environnementaux, éthiques et sociaux. 


2 Chiriatti M., Ganapini M., Panai E. et al. (2024), “The case for human–AI interaction as system 0 thinking”, Nat Hum Behav, 8, pp. 1829-1830
3 « John Hopfield, Prix Nobel de physique pour ses recherches sur l’intelligence artificielle, met en garde contre les récentes avancées “très inquiétantes” de l’IA », Le Monde, 9 octobre 2024
4  https://www.arcep.fr/mes-demarches-et-services/entreprises/fiches-pratiques/referentiel-generalecoconception-services-numeriques.html


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