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Les enjeux de la mesure de l'impact de son réseau d'entreprise

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1. ENJEUX RÉGLEMENTAIRES : LES OBLIGATIONS RÉGLEMENTAIRES D’AFFICHAGE ENVIRONNEMENTAL  

CORPORATE SUSTAINABILITY REPORTING DIRECTIVE (OU «DIRECTIVE SUR LES RAPPORTS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE DES ENTREPRISES») 

 
La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) est la nouvelle directive européenne qui entrera en vigueur dès 2024 en remplacement de la NFRD : Non Financial Reporting Directive de 2014. Pour rappel, une directive européenne, à l’inverse d’un règlement européen, n’est pas directement applicable dans les États membres. Elle doit d’abord être transposée dans le droit national avant de devenir applicable dans chaque État membre. La France a prévu de la transcrire en droit national d’ici la fin 2023 sans surtransposition. 

L’objet de ces deux directives est d’imposer aux entreprises la réalisation d’un reporting extra financier, désormais appelé reporting RSE. Les principales évolutions entre l’ancienne NFRD et la nouvelle CSRD portent sur :  

  • Le périmètre des entreprises, qui doivent obligatoirement collecter des informations extra financières, périmètre jusque lors jugé trop réduit (cf. tableau ci-dessous) ; 
  • Le renforcement des exigences de reporting.  
Tableau des exigences liées à la NFRD et à la CSRD

 Sur le second point, en effet les entreprises devaient auparavant simplement décrire leur politique extra-financière en fonction de leur modèle économique. Désormais, elles devront détailler leur stratégie sociale et environnementale, et préciser la gouvernance définie pour mettre en œuvre leur stratégie. Aussi concernant le reporting, celui-ci devra : 
  • Être publié selon des normes précises et au format digital, afin de faciliter l’utilisation et le partage de ces informations. En effet, l’une des limites de la NFRD était l’absence de normes de qualité et de méthode, ce qui pouvait entraîner des différences importantes dans les informations partagées par les entreprises et rendait difficile la comparaison des performances entre les structures 
  • Être audité et certifié par une structure indépendante, qui vérifiera la sincérité des informations et la présence d’objectifs de durabilité 

Afin d’affiner cette liste de normes extra-financières, l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) a proposé un certain nombre de critères ESG (7) , parmi lesquels les indicateurs carbone 

Ces normes sont encore en cours d’élaboration, mais on retrouve parmi les informations qui pourraient être sollicitées :

  • le bilan des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’entreprise, 
  •  le suivi de ses émissions directes et indirectes de GES (Scopes 1, 2 et 3), 
  • l’intensité économique des émissions de gaz à effet de serre, en tonnes équivalent CO2 par Million € (tCO2e/M€), 
  • la stratégie de réduction des impacts sur le réchauffement climatique. 
 

LOI AGEC ET OBLIGATION D’AFFICHAGE ENVIRONNEMENTAL POUR LES FAI 


 Depuis le 1er janvier 2022, la loi AGEC prévoit l’obligation, pour les fournisseurs d’accès internet et opérateurs télécom, d’indiquer à leurs abonnés l’équivalent en émissions de gaz à effet de serre de la quantité de données consommées. Cet affichage environnemental concerne à la fois les opérateurs physiques et virtuels, et les réseaux fixes et mobiles. 

Dans l’esprit de la loi, l’affichage environnemental a pour fonction première de sensibiliser les consommateurs au poids écologique de leurs pratiques sur Internet. Elle doit également inciter les fabricants de matériels et les fournisseurs de services numériques à évaluer leurs performances environnementales à l’instant T, pour les améliorer dans le temps, et ainsi d’afficher leurs progressions. 

Si aujourd’hui, seuls les fournisseurs d’accès Internet et opérateurs télécom grand public se voient imposer l’affichage environnemental, cela ne signifie pas que les autres acteurs impliqués dans la chaîne de valeur du service numérique ne doivent pas avoir la capacité de mesurer leurs impacts environnementaux.  

LOI REEN ET L’OBSERVATOIRE DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DU NUMÉRIQUE 


Par ailleurs, la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, dit loi REEN, a imposé la mise en place d’un nouvel observatoire des impacts environnementaux du numérique. Cet observatoire est placé sous le contrôle de l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et de l’autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP). Il a pour mission d’améliorer la connaissance sur la mesure des impacts directs et indirects du numérique sur l’environnement. Il y a donc fort à parier que la partie réseaux d’entreprise aura sa place dans cet observatoire afin d’avoir une vision globale des impacts environnementaux du numérique. 

4 référentiels ont été publiés : 
  • Référentiel méthodologique d’évaluation environnementale des services numériques publié en Juillet 2021 (8) (Référentiel « Mère »), 
  • Référentiel méthodologique d’évaluation environnementale de la Fourniture d’Accès Internet (FAI) publié en Janvier 2023 (9) (Référentiel « Fille »), 
  • Référentiel méthodologique d’évaluation environnementale des Services d’hébergement informatique en centre de données et de Services Cloud publié en Janvier 2023 (10) (Référentiel « Fille »),
  • Référentiel méthodologique d’évaluation environnementale d’un réseau LAN et des services de téléphonie d’entreprise publié en Janvier 2023 (11) (Référentiel « Fille »). 

Ces référentiels sont également disponibles en anglais dans la librairie de l’ADEME.

C’est sur la méthodologie définie dans ce dernier référentiel sur les réseaux d’entreprise que s’appuie la présente étude. 
Représentation du périmètre de chacun des référentiels "filles" publiés par l'ADEME
 L’ensemble de ces référentiels prennent en compte : 
  • la méthodologie de l’Analyse du Cycle de Vie (ACV) en tenant compte des recommandations de la norme 14044 (12) et autant que possible avec le référentiel L 1410 de l’ITU (13)
  • la méthodologie PEFCR publiée par la Commission Européenne (14) ,
  • une approche multicritères, afin d’aller plus loin que le seul indicateur CO2 / gaz à effet de serre en incluant d’autres impacts environnementaux : épuisement des ressources, tensions sur l’eau, production de déchets, etc., 
  • les spécificités des différents tiers.  

 2. ENJEUX SOCIAUX ET SOCIÉTAUX : AFFICHER SON EMPREINTE N’EST PLUS UNE OPTION 

LE NUMÉRIQUE : MAILLON AU CŒUR DE LA CHAÎNE DE VALEUR DES ENTREPRISES


Les usages numériques sont aujourd’hui au cœur des activités d’une entreprise et la mesure de l’empreinte environnementale de ces usages ne peut se faire sans la mesure de l’empreinte environnementale de son réseau LAN, des terminaux utilisateurs mis à disposition de ses salariés et des solutions et services numériques qu’elle utilise.  

Ceci est d’autant plus vrai que les usages numériques ont beaucoup évolué ces dernières années :évolution des usages interpersonnels (choix de la réunion en visioconférence plutôt qu’en présentiel) ; évolution des plateformes et des moyens de communication (choix d’appel par un outil de visioconférence ou envoi d’un courriel, plutôt qu’un appel téléphonique classique), développement massif des solutions cloud au travers de la mise en place des centres de données. 

DE LA TRANSFORMATION DIGITALE AU NUMÉRIQUE RESPONSABLE 

Cette transformation digitale s’accompagne aujourd’hui d’une forte volonté des consommateurs d’allier performance, sécurité et durabilité. Ainsi, les entreprises sont poussées par les politiques publiques et par leurs clients, utilisateurs finaux, investisseurs et autres parties prenantes à intégrer dans le déploiement de leur stratégie numérique la prise en compte des enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux. L’affichage environnemental des solutions et services numériques n’est plus une option. Il convient désormais de penser à la fois performance de son système d’informations (SI) d’un point de vue fonctionnel, mais également d’un point de vue environnemental, et d’allier les deux approches dès la définition des besoins (bon dimensionnement, utilité et fonctionnalités premières, etc.) 

ENJEUX ÉCONOMIQUES : INTÉGRATION DES ENJEUX NUMÉRIQUE RESPONSABLE DANS SA STRATÉGIE 


Selon un rapport de France Stratégie (15) , les entreprises mettant en place des actions RSE affichent une performance économique 13% supérieure aux entreprises exemptes de politique RSE. 

1. Différenciation concurrentielle : Les entreprises qui intègrent la RSE dans leurs pratiques démontrent leur engagement envers le développement durable. En mesurant leurs impacts, elles peuvent communiquer de manière crédible leurs performances environnementales, sociales et sociétales, ce qui les différencie de leurs concurrents et peut influencer favorablement les décisions des clients. 

2. Accès à de nouveaux marchés : De nombreuses organisations publiques et privées, y compris les gouvernements, exigent désormais des critères RSE dans leurs appels d’offres. En mesurant et en améliorant leurs performances RSE, les entreprises augmentent leurs chances de remporter ces contrats. 

3. Réduction des coûts : La mesure des impacts environnementaux permet d’identifier les domaines où des économies d’énergie, de matières premières ou de ressources peuvent être réalisées. En adoptant des pratiques plus durables, les entreprises peuvent réduire leurs coûts de fonctionnement à long terme et améliorer leur rentabilité. 

4. Gestion des risques : La mesure des enjeux RSE aide les entreprises à identifier et à gérer les risques potentiels liés à leurs activités. En comprenant leurs impacts environnementaux, sociaux et sociétaux les entreprises peuvent mettre en place des stratégies de prévention des risques, réduisant ainsi les coûts liés aux accidents, aux litiges et aux amendes. 

5. Renforcement de l’image de marque : Une entreprise engagée dans une démarche RSE transparente et responsable renforce sa réputation et sa marque. Les consommateurs sont de plus en plus sensibles aux enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux, et sont plus enclins à choisir des produits et services provenant d’entreprises respectueuses de ces enjeux. Une bonne image de marque peut stimuler les ventes et favoriser la fidélité des clients. 

En adoptant des technologies durables, en utilisant des ressources numériques de manière efficiente et en favorisant l’innovation responsable, les entreprises peuvent réaliser des économies supplémentaires, améliorer leur productivité, réduire leur empreinte écologique et attirer des talents engagés. 

En conclusion, mesurer les impacts impacts environnementaux, sociaux et sociétaux est bénéfique pour les entreprises sur le plan économique et commercial. Cela leur permet de se différencier, d’accéder à de nouveaux marchés, de réduire les coûts, de gérer les risques et de renforcer leur image de marque. 

ENJEUX TECHNIQUES : RÉEL BESOIN DE MÉTHODE, DONNÉES ET OUTILS 


Les études et projets menés ces quinze dernières années ont porté sur des thématiques précises, s’intéressant par exemple aux consommations d’énergie des centres de données, à l’obsolescence programmée des terminaux ou encore à la gestion des déchets électroniques. De plus, la réglementation et la communication actuelle sur les démarches environnementales se concentrent principalement sur la mesure de l’impact des émissions de gaz à effet de serre généré de manière directe ou indirecte par l’entreprise. 

 Depuis quelques années, plusieurs publications (Étude de l’impact du numérique en France et prospectives 2030 et 2050 commandée par l’ADEME et l’ARCEP (16) , Empreinte environnementale du numérique mondial de GreenIT.fr (17) , entre autres) sont venues éclairer le débat et ont mis en évidence la nécessité d’avoir une approche plus globale qui soit à la fois : 
  • Multicritères, car les impacts environnementaux du numérique ne se réduisent pas aux émissions de gaz à effet de serre ; 
  • Multi-étapes, afin d’intégrer les impacts générés lors de toutes les étapes du cycle de vie des équipements ; 
  • Multi-composants, afin de pouvoir appréhender ces systèmes complexes que sont l’association des terminaux utilisateurs, centres de données et réseaux de télécommunications, tous composés d’une multitude d’équipements ayant chacun des cycles de vie propre. 

C’est là tout l’intérêt et la pertinence de la méthode standardisée que constitue l’analyse de cycle de vie. 

Or, pour parvenir à un point de vue global permettant de faire des choix éclairés, il est nécessaire de s’accorder sur les données d’inventaires, les données d’impacts, les flux, les méthodes et les scénarii d’usage liées au déploiement des services du secteur numérique à un instant donné, mais également de manière dynamique, pour anticiper les évolutions à venir.




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7. En novembre 2022, l’EFRAG a proposé une centaine d’indicateurs en quatre types de normes ESG (transversales, environnementales ;
sociales et gouvernance) et 13 standards de soutenabilité. 
8. https://librairie.ademe.fr/produire-autrement/6022-principes-generaux-pour-l-affichage-environnemental-des-produits-degrande-consommation.html 
9. https://librairie.ademe.fr/produire-autrement/6008-principes-generaux-pour-l-affichage-environnemental-des-produits-degrande-consommation.html 
10.  https://librairie.ademe.fr/cadic/7604/referentiel_rcp_datacenter_services_cloud.pdf  
11.  https://librairie.ademe.fr/cadic/7593/referentiel_rcp_reseau_lan-services_telephonie_entreprise.pdf 
12.  ISO 14044:2006- Management environnemental — Analyse du cycle de vie — Exigences et lignes directrices 
13.  ITU : Union International des télécommunications ou International Telecommunication Union est l’agence des Nations unies pour le développement spécialisé dans les technologies de l’information et de la communication. Elle propose principalement des Recommandations (Recommandations UIT-T), à savoir des normes qui définissent les modalités d’exploitation et d’interfonctionnement des réseaux de télécommunication. 
14.   https://environment.ec.europa.eu/system/files/2021-       12/Commission%20Recommendation%20on%20the%20use%20of%20the%20Environmental%20Footprint%20methods_0.pdf 
15.  https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs_etude_rse_finale.pdf  
16. https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/etude-numerique-environnement-ademe-arcep-volet02-synthese_janv2022.pdf 
17. https://www.greenit.fr/etude-empreinte-environnementale-du-numerique-mondial/#empreinte